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Tonton Etienne de Marie Pierre Giquel
Etienne Nicolas.
Le 3 Juillet 1879 fut certainement jour de liesse au village du Cosquer, un double mariage y était célébré : celui de Louis Nicolas , âgé de 30ans qui épousait Marie-Mathurine Cadet âgée de 21 ans, nos arrières grands parents, mais également le mariage de Marie-Barbe la soeur de Louis qui âgée de 23 ans épousait Jean-Marie Lavolé.
Louis et Marie-Mathurine s’installèrent au Cosquer, sur la commune de Meslan, la ferme familiale des Nicolas.
Neuf mois après leur mariage , le 24 Mai 188o , à deux heures du matin, naissait leur premier enfant Étienne. Un premier fils, une bénédiction du ciel pour Louis et Marie-Mathurine. Leur second fils, Joseph, notre grand-père Jozeb, naîtra deux ans plus tard, le 27 septembre 1882.
Étienne est plus chétif et selon la tradition familiale , c'était «l'intellectuel», le savant» celui qui a appris à lire, à écrire. Régulièrement, il se rend au presbytère de Meslan et y apprend le latin avec le curé. Peut être se destine t' il à la prêtrise?
En 1900 Etienne a vingt ans et est convoqué à Lorient, matricule 2766, classe 1900, pour faire son service militaire. Il est exempté en 1901 pour «infantilisme» ce qui en jargon militaire de ce début du vingtième siècle indique non pas, comme aujourd'hui un déficit d'intelligence mais un taille trop petite.
A cette époque , au dessous de 1m53 aucun homme n'était reconnu bon pour faire un soldat. «Il y a une classe d'exemptés pour infantilisme dans laquelle on range tous ceux qui sont vraiment si courts qu'ils pourraient prêterà la risée.» Dans le registre de matricule du recrutement sur Lorient, il n’y a pas de description physique d’Étienne contrairement à ceux qui sont bons pour le service.
Le 1er Août 1944
Ce 1er août 1914, en milieu d'après-midi, le tocsin alerte les populations qui découvrent cette affiche « le président de la République, par décret, ordonne la mobilisation générale» que mettent en oeuvre les ministres de la Guerre et de la Marine (l'armée de l'air n’existe pas encore). L'affiche de mobilisation est placardée sur la porte de la gendarmerie s'il y en a une! Chaque réserviste sait, en consultant son livret individuel de mobilisation, le lieu et le jour auxquels il doit répondre à l'appel.
Pour Etienne comme pour Jozeb ce sera Lorient.
Étienne est rappelé à l'activité par décret de mobilisation du 1er Août 1914. Il est incorporé au 62 RI, le 24 Février 1915. Il participe à la bataille de la Somme. On peut suivre son douloureux chemin de guerre à travers des noms de ville comme: Ovillers, Avehuy, La Boisselle, Bouzincourt.................Le 19 Mai 915, son père, Louis Nicolas décède accidentellement Nul ne sait quand, comment et à quel moment Etienne et Jozeb ont appris la triste nouvelle.
Le 9 juin 1915, Étienne passe au 174 RI créé au début de l'année 1915 «Arrivée à 19h ,d'un second renfort de 614 hommes provenant de la 11ème région ( Morbihan, Finistère, Loire Atlantique et Vendée) et composé comme suit: 14 sergents, 16 caporaux et 584 soldats.»( Mémoire des hommes). Étienne fait probablement partie des 584 soldats qui viennent d'arriver. Après avoir combattu dans la Somme, le voici en Champagne, la ferme des Waques fait partie des lieux de combat du 174 régiment d'infanterie.
Le 21 Février 1916 commence la bataille de Verdun. Le 26 février «ordre est donné au régiment de se porter au fort de Souville et il y attend les ordres et bivouaque à un kilomètre de ce fort, dans les bois (mémoire des hommes février 1916).
Verdun est une bien jolie petite ville où est forcément passé Étienne en ce mois de Février 1916. Sans doute est-il arrivé par la «Voie Sacrée» qui reliait Verdun à Bar- Le- Duc et qui permettait d'envoyer sans discontinuer hommes et matériel sur le front. Tous les préposés à la grande boucherie sont passés par ici!
«Ils ne passeront pas» .
C'est la devise des poilus de Verdun.
Ils ne sont pas passés mais.....le prix en vies humaines fut terrible !
La route d'Etain à Verdun. C'est par cette route que passe le 174 Ri pour rejoindre le front ce 27 Février 1916. Le régiment doit occuper des positions à cheval sur la route Verdun- Etain, depuis la Batterie de Mardi Gras jusqu'à la Batterie d'Eix. Étienne passe près de cette batterie avec ses camarades quelques heures avant de mourir.
Dans la nuit du 28 Février commence la lutte pour le village de
Douaumont et pour libérer le fort attaqué et occupé par les allemands quelques jours plus tôt. « Durant la nuit, sur ordre du général Pétain, le 174 e RI monte en ligne au bois Feuillu. Il part ensuite à l'attaque et parvient à s'emparer de la ferme de
Souppleville et de la station d Eix-Abaucourt» (Mémoire des hommes.Aujourd'hui c'est un lieu paisible, presque beau si on arrivait à oublier que ce terrain bosselé, que cet endroit tout en creux
et en bosses à la pelouse bien rase
nous racontait une histoire de sang et de mort.La septième unité ,dont fait partie, Étienne est décimée. «Les blessés sont transportés sur un brancard ou roulés dans une toile de tente enfilée sur un bâton.» Ils sont nombreux. Ils affluent vers les petits postes de secours des bataillons,
creusés à même la terre, qui ont été aménagés un peu en arrière des premières lignes.». Sur un des lieux de combat, les soldats ont même dû abandonner les leurs, blessés et agonisants. (Mémoire des hommes journal de marche du 174 Ri 28
février 1916).
Etienne est mort des suites de ses blessures, le mercredi 29 Février 1916, dans l'ambulance 5 à Fléville dans la Meuse. Nul ne sait comment et par qui il a été secouru. Comme d'innombrables blessés, il a sans doute agonisé longtemps dans la boue de Verdun, avant d'être retrouvé. Il faisait froid cette nuit là, à
Verdun et dans la journée, avec le dégel, les tranchées s'étaient transformées en véritable bourbier.
Au soir du 28 Février , il est porté disparu comme de nombreux autres de son unité, dans le Journal de marche de son régiment.
'Mémoire des hommes. Journal de campagne du 174 RI Février 1916) Pour son régiment, Etienne est déclaré mort le 29 Février 1916. Marie- Mathurine a dû attendre pendant sans doute quelques mois avant que la nouvelle ne parvienne à la mairie de Meslan à moins qu'un compagnon de misère ne lui ai écrit pour raconter cette triste fin. . Sur un des documents , il est noté «avis officiel du 6 Juin 1916». Le scénario est à présent bien connu, grâce aux films et aux différents témoignages.Un jour, Marie-Mathurine a vu arriver au village le maire de Meslan peut être accompagné du curé qui connaissait si bien Étienne. A t elle hurlé? S'est elle raidie de souffrance? Nul ne le saura jamais. Elle a rejoint le lourd cortège des mères brisées
par cette guerre. Quelques monuments aux morts en Bretagne représente cette douleur des pères et mères devant le corps de leur enfant celui de Baud entre autres.Etienne repose, pour toujours, auprès de ses camarades à la Nécropole nationale de Buzy Darmont dans la Meuse, non loin de Douaumont, un petit cimetière en bordure de route, un comme il y en beaucoup autour de Verdun.Après la guerre, nul n'a réclamé son corps. Trop compliqué, trop cher sans doute pour de simples paysans ......et le gouvernement français incitait très fortement les familles a laissé leurs morts reposés auprès de leurs compagnons de combat. Impossible, en fait, de rendre aux familles, tous ces corps déchiquetés, inhumés à la hâte près des
lieux de bataille.Les petites croix blanches sont alignées les unes à côté des autres et dos à dos. Le drapeau français flotte …..........et il pleut et je suis venue pour te retrouver
J'erre avec Youn en parcourant chaque allée, en silence et le coeur serré. En cette fin d'après midi, nous sommes seuls dans le cimetière. Je cherche la tombe 853. Et soudain, elle est là devant moi. ….... petite croix blanche au milieu de trois
mille autres croix blanches. Dessus est écrit ton nom «Étienne Nicolas».Je m'agenouille et je ne sais plus très bien si ce sont des larmes ou de la pluie qui coulent sur mon visage.
«Bonjour Tonton.
Cent années ont passé et je t'apporte un petit message d'amour de notre pays breton et de toute la famille qui aujourd'hui se souvient.»
A Meslan, au pays, ton nom est inscrit sur le monument aux morts, juste devant cette église que tu connaissais si bien!
Marie Pierre Giquel
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